L’accessibilité, c’est bon pour la planète

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Abstract

Préserver l’environnement grâce à l’accessibilité du Web ? Proposition surprenante, voire incongrue… Mais pas tant que ça si l’on réalise que certaines bonnes pratiques phares de l’accessibilité ont pour effet de réduire l’empreinte carbone d’un site Web. Explications.

Article

OpenWeb s’est fait l’écho d’un article publié sur A List Apart intitulé « Sustainable Web Design (en anglais) », traduit sous le titre « Web Design Durable » et publié sur le site Web Développement Durable. En substance, on y explique que plus une page est « lourde », plus son empreinte carbone est importante. Ici la notion de lourdeur évoque bien sûr le nombre d’octets total embarqués dans la page (code, styles, images, médias…). Mais il faut aussi y ajouter le nombre de requêtes HTTP au serveur (couramment une centaine par page) et les diverses sollicitations de serveurs tiers pour, notamment, récupérer des données sur les réseaux sociaux, ou afficher des publicités.

Pourquoi cette empreinte ? Bien qu’immatériel dans son concept, le Web repose sur des infrastructures bien réelles, et particulièrement énergivores : serveurs de données, serveurs de caches, serveurs de noms de domaines, interconnexions, routeurs, fournisseurs d’accès, réseaux filaires (cuivre ou fibre optique), réseaux mobiles, Wifi, boîtiers ADSL ou modems, terminaux et écrans de l’utilisateur… Le moindre octet livré par un serveur Web va mobiliser toute une chaîne d’équipements électriques avant d’atterrir dans la mémoire vive du terminal de l’utilisateur. Au point qu’une étude de 2008 estime qu’un giga de données transmis par le Web « fixe » entraîne l’émission de 7 kg de gaz carbonique, et 35 kg par le Web « mobile » (réseaux haut débit mobiles obligent). Et encore, ceci ne tient pas compte de l’électricité consommée par l’utilisateur final (terminaux, écrans, Wifi local, box internet, composants du réseau local…).

Il faut aussi tenir compte de l’énergie consacrée au stockage : les équipements restant sous tension même si la donnée n’est pas téléchargée, une énergie considérable est consacrée au refroidissement des serveurs et infrastructures. D’après un document du CNRS, daté de 2011, et intitulé « Environnement des serveurs : datacentres (PDF, 1414 ko) », c’est de l’ordre de la moitié de l’énergie consommée typiquement par un datacentre… Problème auquel il faut ajouter le besoin de renouvellement et d’accroissement de matériel pour stocker et servir ces données, de plus en plus lourdes et denses.

Pour prendre une comparaison qui parlera à tous : le Web aujourd’hui pèse autant dans la balance des émissions de gaz effet de serre que l’industrie aéronautique dans son ensemble, toujours sans tenir compte de l’impact de l’utilisateur final. Et ça n’ira pas en s’améliorant : le document précité anticipe 30 fois plus de données sur 10 ans, et 1000 fois plus de serveurs, qu’en 2011. Avec, à l’horizon 2020, le doublement de la contribution du Web aux émissions de gaz à effet de serre.

Logique : si 40% « seulement » des habitants de la planète accèdent aujourd’hui à Internet, cette proportion croît de façon soutenue, sous l’impulsion des pays en développement. Les débits et les puissances augmentent, à tous les maillons de la chaîne. Les moyens de générer et mettre en ligne de la vidéo et des photos haute définition se démocratisent, au point que quasiment chaque individu dispose dans sa poche d’une redoutable machine à produire du méga-octet, sous forme d’un téléphone mobile équipé d’une caméra et d’un accès à internet.

Or, plus on peut, plus on en veut, et ceci entraîne une course à la puissance savamment entretenue par la machine économique : un PC est utilisé en moyenne pas plus de 4 ans, et un smartphone fréquemment renouvelé après 2 à 3 ans d’utilisation seulement, en lien avec la durée de vie des batteries. Mais on peut légitimement s’alarmer des effets sur l’environnement de cette fuite en avant : l’industrie électronique consomme énergie, eau, matières premières rares ou nocives, en quantités importantes, et relativement moins bien maîtrisées que pour des industries plus anciennes comme l’automobile ou la construction.

Tableau très noir, donc, que celui-ci… Mais qu’y pouvons-nous, en tant que fabricants de Web ? L’article d’A List Apart estime à 40% la part de responsabilité, directe ou indirecte, de ceux qui font le Web, dans cette empreinte carbone. Et fournit quelques pistes, visant notamment à réduire la quantité d’octets mobilisés par les pages Web.
Fait intéressant : quand on travaille à l’accessibilité du Web, on constate fréquemment que certaines pratiques ont pour effet de réduire soit la taille des pages, soit la quantité de données transférées à l’utilisateur. Qui plus est, un site accessible est généralement plus simple et donc plus rapide à consulter, et pas uniquement pour les utilisateurs en situation de handicap. Examinons de quelle manière.

Trier pour mieux recycler

L’un des principes forts de l’accessibilité du Web, est que tout contenu doit pouvoir être consulté de la manière qui convient à l’utilisateur, et pas seulement sous la forme voulue et imposée par le producteur de ce contenu. Ce qui conduit à opérer une séparation du contenu et de sa présentation. Pour le Web, cela revient à contrôler la présentation via des styles uniquement. Et généralement, on a intérêt à le faire au travers de feuilles de style CSS importées par le code HTML.

Préoccupation rétrograde en 2014 ? Tout le monde fait déjà ça, pensez-vous ? Vous seriez surpris du nombre de fois où un audit relève l’usage d’attributs ou de balises de présentation. Bordures d’images, tailles et alignement de tableaux de mise en forme, attributs de couleurs ou de positionnement… les vieilles habitudes ont la vie dure.

En l’occurrence, l’usage approprié des CSS permet de réduire le poids des données transférées de deux façons, principalement.

D’abord, les pages HTML s’en trouvent allégées, mécaniquement. On factorise en effet les attributs de présentation au sein des feuilles de style, au lieu de les répéter à chaque élément.

Ensuite, lorsque l’utilisateur revient sur le site, en principe son navigateur détecte que les feuilles de style qui y sont attachées ont déjà été téléchargées et stockées en cache, on économisera donc ces transferts.

Exemple historique, et néanmoins fameux : le site ESPN.com a procédé à l’adoption des standards sur sa page d’accueil en 2003. À savoir : remplacer la mise en page en tableaux par du code sémantique et du CSS. Osé à l’époque… mais payant : avec une économie de 50 ko sur la seule page d’accueil, les gains étaient de 2 To de bande passante par jour… Soit 14 tonnes de CO2, si l’on en croit l’article de A List Apart.

Alors, certes, on n’était pas obligé d’attendre l’audit accessibilité pour faire cela… Mais il se trouve que c’est souvent un révélateur de petits défauts de ce genre qu’on avait commodément oubliés, ou perpétuellement repoussés au lendemain.

Réduire ses déchets

Autre pilier de l’accessibilité : votre code doit pouvoir être interprété par le plus grand nombre possible d’agents utilisateurs (on parle alors de robustesse du code). Et la seule voie fiable pour cela, est de se conformer aux standards, en l’occurrence, le HTML tel que défini par le W3C.

Au-delà de la simple conformité, il faut également bien utiliser le code : des balises de titres pour les titres, de listes pour les listes, de liens pour les liens…
Évident ? Pas pour tout le monde, apparemment. Amusez-vous à consulter le code source de vos sites favoris. Sur les 5 sites Web éditoriaux les plus fréquentés en France, selon Alexa (Wikipedia, Yahoo, LeMonde.fr, LeFigaro.fr, et Commentcamarche.net), on relève sur les pages d’accueil entre 40 et 300 erreurs détectées par le validateur. On observe également, pour au moins 4 d’entre eux, les symptômes d’une maladie du code appelée « divite », à savoir, un excès de balises div, par rapport à ce dont on aurait effectivement besoin pour structurer la page.
Or c’est un des bienfaits de l’accessibilité : lorsqu’on s’y penche, on découvre ou redécouvre la richesse du HTML, et l’on se rend compte qu’on peut faire beaucoup de choses avec la syntaxe de base, sans passer par des enchevêtrements indigestes, et surtout, superflus. Encore une fois, on aurait pu s’en rendre compte avant… Mais comme toujours, il faut une bonne raison pour reprendre du code qui a l’air de très bien fonctionner ; et l’amélioration pour l’accessibilité peut être une de ces raisons.

Là encore, deux sources de gains.

D’abord le code mieux structuré est plus léger. Il n’existe pas, à ma connaissance, de métrique validée pour cela, même si on avance fréquemment le chiffre de 30%. J’ai, pour ma part, observé que sur une mise en accessibilité, avec préservation du design d’origine (situation extrêmement rare…), on avait effectivement gagné entre 30 et 50% sur le code HTML. Cela peut paraître anecdotique, compte tenu de la faible part du HTML dans le poids total des données transférées. Mais c’est là qu’intervient le second effet.

Une des caractéristiques du HTML, par rapport à la plupart des langages informatiques, est qu’on y fait preuve d’une grande tolérance vis-à-vis des erreurs de code. Le navigateur se charge en effet de corriger (autant que faire se peut) les fautes et approximations de syntaxe. Cette souplesse a un prix : une page mal codée pourra certes s’afficher, mais il faudra beaucoup plus de temps au navigateur pour l’interpréter. Temps pendant lequel le terminal, ordinateur, tablette ou smartphone, tourne inutilement. Il s’agit de quelques secondes d’écart… à multiplier par le nombre de fois où cette page est affichée par un internaute. Bonus : bien sûr, on préfère tous une page qui s’affiche immédiatement à une autre qui nous fait patienter plus que quelques secondes.

Éteindre les lumières

Il ne vous aura pas échappé que le Web est aujourd’hui essentiellement peuplé de contenus multimédia : images, vidéos, sons, animations, documents… on est bien loin du médium purement textuel d’origine ! Et c’est tant mieux. Néanmoins, c’est la principale raison de l’inflation du poids des pages évoquée par l’article.

Il se trouve que tous les internautes ne sont pas égaux devant le multimédia. Certains n’entendent pas, ou pas assez bien ; d’autres ne voient pas, ou pas assez bien ; d’autres encore sont gênés, ou bloqués, par la manipulation d’un contenu interactif. L’objectif de l’accessibilité est de permettre à tous de consulter l’information associée à ces contenus. Pour ce faire, on proposera par exemple des textes alternatifs aux images, des transcriptions textuelles pour les vidéos et fichiers sonores, ou encore, des versions HTML des documents PDF embarqués dans les pages.

Par ailleurs, sur les liens de téléchargement de contenus additionnels, on précisera le poids et le format du contenu, laissant à l’internaute le choix de télécharger, ou pas, ces fichiers.

Certes, cela ne supprime pas ces contenus : ils restent présents et disponibles pour les internautes qui peuvent et veulent les consulter. Mais c’est aussi l’opportunité pour les autres d’obtenir une information équivalente, à moindre coût. En désactivant les images, on reste informé de leur fonction grâce au texte alternatif qu’affiche le navigateur. Plutôt que de s’infuser une heure de vidéo de cette conférence où l’on cherche juste un passage, on pourra consulter directement sa retranscription, spectaculairement plus légère, et plus rapide à explorer. Plutôt que de se coltiner le téléchargement de ce PDF, très joli mais gourmand en mémoire, on se contentera de la version HTML, si seule l’information nous intéresse.

Là aussi, ce sont des mesures que l’on peut prendre pour d’autres raisons : indexation des contenus, référencement, exploitation par des outils de traduction automatique… Néanmoins, l’accessibilité vous y invite de façon pressante ; et si c’est souvent vécu comme une contrainte, c’est aussi l’opportunité d’une diffusion plus large et plus efficace des contenus, et d’une réduction des besoins en bande passante.

Optimiser ses déplacements

L’accessibilité, lorsqu’elle est bien amenée, conduit souvent à se pencher sur les besoins effectifs des utilisateurs. C’est alors l’occasion de repenser l’architecture de l’information. Bien sûr, à nouveau, ce n’est pas sa fonction. Mais d’expérience, l’audit ou l’intervention sur l’accessibilité est souvent l’occasion de remettre à plat des décisions que l’on avait prises dans le passé, en perdant un peu de vue le fait qu’un site Web est fait avant tout pour les gens qui le consultent. Un des effets les plus notables, du point de vue des utilisateurs, est qu’un site rendu accessible s’avère plus simple à consulter : pages mieux structurées, liens plus explicites, information plus facile à trouver, formulaires plus clairs, moins d’erreurs de saisie… Au final, pour une tâche équivalente, on observera qu’elle prend moins de temps sur un site mieux pensé, et rendu accessible. Gain d’autant plus spectaculaire pour les utilisateurs en situation de handicap, bien sûr. Non pas que l’accessibilité vous garantisse que votre site sera plus ergonomique ; mais tant qu’à investir, on en profite souvent pour s’occuper aussi de cet aspect du problème.

Fallait-il le préciser ? Tout gain de temps du côté utilisateur, est aussi du temps machine en moins, et donc moins de gaz carbonique dans l’atmosphère.
Dans le même ordre d’idée, un utilisateur en situation de handicap est davantage susceptible d’utiliser l’assistance téléphonique si le site n’est pas accessible. Outre le coût financier d’un tel dispositif, il y aura une consommation de ressources liée au centre d’assistance, souvent à l’étranger, ainsi que pour des communications téléphoniques longue durée et longue distance, évitables avec un site plus accessible.

Éco-sceptique ?

On peut formuler deux objections, tout-à-fait recevables, à cet exposé. La première est qu’on parle ici de gains très marginaux. Quelques kilo-octets par-ci, quelques requêtes HTTP par-là… Vrai. Mais gardons à l’esprit que ces gains sont, en quelque sorte, « gratuits », puisqu’ils viennent automatiquement avec la mise en accessibilité, sans effort spécifique supplémentaire. C’est donc un item de plus sur la liste des fameux « bénéfices collatéraux » que l’on attribue à l’accessibilité.

La seconde, c’est qu’il n’était pas besoin d’en venir à l’accessibilité pour cela. Une démarche saine et efficace d’optimisation technique permet d’obtenir le même résultat, voire mieux. Tout aussi vrai. Néanmoins, rappelons que l’accessibilité est un droit fondamental de l’internaute, et donc un dû envers les visiteurs de votre site. S’il vous est toujours possible de décider, sciemment, de ne pas optimiser le poids de vos pages, il n’en est pas de même pour son accessibilité. Légalement obligatoire pour les contenus issus de la sphère publique, l’accessibilité, en tant qu’élément de l’égalité de traitement, s’impose à tous les producteurs de contenus, publics ou privés. Y manquer vous exposerait donc à la réprobation de vos utilisateurs… ou pire : à leur désertion en faveur de vos concurrents.

Qu’est-ce qu’on attend ?

De même qu’elle ne sauvera pas un site de l’échec commercial, de l’ennui, ou de la médiocrité, l’accessibilité ne sauvera pas la planète. Mais ces petits gains, que l’on génère sans effort, s’ajoutent les uns aux autres, et participent humblement à l’effort général. Un peu comme ces canettes de soda que vous jetez dans la bonne poubelle : ce n’est pas ça qui changera fondamentalement les choses ; mais les choses ne changeront pas si on ne fait pas au moins ça.

Alors, qu’est-ce qu’on attend ?

À propos de cet article

Vos commentaires

  • Green IT Le 4 juin 2014 à 16:02

    Je vérifie cette synergie entre accessibilité et écoconception logicielle sur plusieurs projets en ce moment. Notamment, la sobriété qui constitue une clé d’éco-conception (pas que pour les logiciels) et la simplicité sont des atouts en matière d’accessibilité (et d’ergonomie d’ailleurs).

    Pour aller plus loin : www.greenit.fr/tag/eco-conception-logicielle

  • Christophe Clouzeau - WebDD Le 5 juin 2014 à 15:08

    Un grand Merci Olivier de la citation. Je suis content que le sujet de l’impact au sein de notre environnement inspire une fois de plus un concepteur du web : sois remercier aussi pour cette belle argumentation :)
    Bonne idée de faire un focus entre l’accessibilité et le green IT afin de démontrer combien ils sont liés. La réaction ne s’est pas faîte attendre : http://www.webdeveloppementdurable.com/selon-openweb-laccessibilite-cest-bon-pour-la-planete/

    Accessibilité, ergonomie, performances... tout cela va dans le sens de la qualité d’un web (cc la démarche @Opquast) qui ne fait que logiquement s’étendre.

  • Ysabeau Le 5 juin 2014 à 16:14

    En fait si, l’accessibilité et l’ergonomie sont liées. Un site peu ergonomique, si cela rend sa consultation plus difficile pour les gens dotés d’yeux en bon état de marche ne peut pas être considéré comme accessible puisque la notion concerne tout le monde sans distinction.

  • Switch Le 5 juin 2014 à 23:56

    Ce que l’on attend je pense c’est de réelles sanctions en cas de non respect des normes d’accessibilité.
    Mettre en avant l’impact sur l’environnement est certes un plus qui ne peut qu’encourager les décideurs, mais la seule perspective de l’accès de l’information à tous devrait suffire.
    Que se passe t’il en France avec l’accessibilité ? C’est obligatoire certes mais où sont les sanctions ?

  • Olivier Nourry Le 6 juin 2014 à 10:26

    @switch : ce n’est pas la première réaction de ce genre, il y a donc une ambiguïté que je vais tenter de lever.
    Mon propos n’est pas de lister une énième raison de faire de l’accessibilité. Je fais partie de ceux qui pensent que le sujet se suffit à lui-même, et n’a pas besoin de béquilles (cf. mon article Le vrai bénéfice de l’accessibilité). Dans l’article ici présent, je me borne à faire un constat un peu inattendu, presqu’amusant, tant qu’on n’y a pas regardé de plus près. Ni plus, ni moins. J’espérais que c’était clair dans le texte lui-même, apparemment non, donc mea culpa, et j’espère que maintenant c’est bon !
    Quant à la question des sanctions... vaste sujet, très intéressant, qui mérite débat. A priori je ne crois pas en l’efficacité de la chose. Mais faute de preuves je n’ai aucune certitude.
    Cela dit on est hors sujet, je m’en vais donc dès que possible lancer la discussion ailleurs (je ne sais pas encore où, mon blog ou ici, à discuter avec l’équipe d’OW).

  • Olivier Nourry Le 6 juin 2014 à 10:53

    @Ysabeau alors, oui, les domaines sont proches, dans le sens où ils concernent tous deux l’interface homme-machine (ou homme-machine-machine dans le cas de l’accessibilité). Mais ils se recouvrent finalement assez peu, et ne se complètent pas toujours, voire parfois se concurrencent.
    On peut avoir une interface ultra-ergonomique, et furieusement inaccessible, l’inverse étant possible également. Il suffit de penser par exemple à une interface hyper bien conçue en Flash, utilisant massivement le glisser-déposer d’éléments graphiques. Génial si tu as des mains et des yeux qui fonctionnent, techniquement injouable sinon. Inversement, une interface en HTML 100% casher et formulaires de base fonctionnera très bien avec un lecteur d’écran, mais sera imbuvable en lecture visuelle.
    Au sens strict (W3C style), l’accessibilité du Web concerne uniquement les utilisateurs en situation de handicap, et les solutions leur donnant la possibilité de percevoir, utiliser et comprendre les contenus, à l’aide d’une technologie d’assistance éventuellement. Point, barre. Il n’y a pas une ligne dans les WCAG relative à l’ergonomie, la facilité d’utilisation, ou la performance utilisateur, en dehors de la situation de handicap. Je ne peux mieux décrire la chose qu’avec l’excellente formule de l’excellent Laurent Denis : "L’accessibilité, c’est faire la même merde pour tout le monde".
    Ce n’est pas qu’un point de détail sémantique. Car cette confusion peut amener à des situations délicates et des incompréhensions. On m’a souvent demandé mon avis sur l’ergonomie d’un dispositif pour lequel j’intervenais en tant que consultant accessibilité. Ce pour quoi je ne m’estime pas compétent, en tous cas pas au niveau d’un spécialiste de la question. On n’a pas les mêmes outils, pas les mêmes méthodes, et parfois pas les mêmes objectifs.
    Ceci étant posé, bien sûr, il serait contre-productif de travailler un axe et pas l’autre. Ou plus exactement, de favoriser 80% des utilisateurs (par l’ergonomie seule) au détriment des 20% restants (par l’accessibilité seule). Il faut travailler les deux axes en même temps (plus la sécurité, les perfs, etc.) pour trouver le meilleur compromis possible, qui peut parfois être très acceptable pour tous, et puis, qui, d’autres fois, va conduire à des décisions compliquées.
    Et puisque l’accessibilité ne va pas de soi pour tout le monde, ce plateau-là de la balance est alourdi par des dispositifs incitatifs tels que la loi de 2005 (insérer ici un toussotement poli signalant une certaine réserve dubitative).
    En conclusion : les deux sujets co-existent, mais il faut éviter de croire que l’on résout l’un par l’autre, et vice-versa.

  • RastaPopoulos Le 12 juin 2014 à 14:14

    Un peu comme ces canettes de soda que vous jetez dans la bonne poubelle

    Toutes proportions gardées, l’analogie avec les canettes invoquées en conclusion me semble assez pertinente… mais pas la réponse donnée.

    Tout⋅e éco-socialiste un peu informé⋅e sait que recycler toujours la même merde (et même pire : chaque année toujours plus de la même merde) ne sert pas à grand chose. Après avoir géré la pollution, peu ou prou les mêmes entités se mettent à gérer la dépollution et le recyclage.

    Évidemment il est un moment où l’on est obligé de le faire : une fois que les déchets sont là, on est bien obligé d’en faire quelque chose. Mais ce n’est pas ce qu’on pourrait appeler une solution… Il semble plus approprié d’arrêter de produire des canettes, voire même de ne plus vraiment boire de soda pourri (ou tout au moins en de rares occasions, par-ci par-là).

    Si l’on revient alors au sujet de départ que sont les serveurs, sites internet, etc, continuer de produire toujours plus de sites internet mais avec quelques kilos en moins parait tout aussi dérisoire que recycler trois canettes pendant qu’on en produit cent de plus. Gagner quelques Tera pendant qu’on produit des millions de mobiles supplémentaires et qu’on branche des milliers de serveurs dans de nouveaux datacenters ?

    Alors, décroissance de la production de sites et d’appli web ? Faire moins de sites internet ? Produire moins de contenus, et donc moins de contenus inutiles (par exemple ne faire que des enquêtes plutôt que copier partout les mêmes dépêches AFP) ? N’avoir sur un site que le contenu utile (pas de pubs, uniquement des images en rapport avec le sujet, etc) ?
    Produire moins. Consommer moins.

    Évidemment, c’est assez peu compatible avec un quelconque business model.

  • Olivier Nourry Le 18 juin 2014 à 22:52

    @rastapopoulos
    Oui, je suis d’accord avec ça. Économiser des bouts de chandelle ne résoudra pas la crise énergétique. D’ailleurs c’est précisé dans l’article : on ne sauvera pas la planète comme ça, loin s’en faut. L’objet du papier est juste de signaler un effet positif peu abordé jusque là.
    Tu avances une idée intéressante, celle du moins produire. Vaste programme ! Ça mérite réflexion.
    Sans avoir de stats pour le prouver, j’ai l’impression que le souci est surtout d’avoir des tombereaux de vidéos et photos franchement dispensables, démultipliés par les réseaux sociaux, puis délaissés, mais pourtant toujours pesants de tous leurs méga-octets sur les disques de serveurs et leurs innombrables miroirs.
    Il se trouve que le Web s’est construit sur le principe du laisser-faire, et aujourd’hui on voit ce que ça donne... Et c’est peut-être aussi bien ainsi ! Que serait le Web sans les pubs, le porno, les lolcatz et autres "pollutions" du cyberespace ? Sans doute quelque chose de très différent ; peut-être quelque chose de moins riche, de moins effervescent. On ne le saura jamais.
    Est-ce que ça valait le coup de précipiter encore plus la disparition des banquises, et des ours polaires avec ? Je ne sais pas non plus. En tous cas, on aura eu le privilège de vivre cette expérience inédite dans l’histoire humaine, avec tous ses errements, et toutes ses opportunités.

  • Olivier Nourry Le 4 juillet 2014 à 17:45

    L’ADEME vient de publier (03/07/2014) une étude inédite sur la consommation des sites Web coté utilisateurs. Surprise : pour les 100 sites français les plus visités, elle est plus de 10 fois plus importante côté client que côté serveur. Un site éco-conçu s’avère moins consommateur coté client également, et quelques règles simples suffiraient à baisser le coût énergétique client de 20 à 25%.
    L’étude Web Energy Archive

  • Green IT Le 10 juillet 2014 à 12:01

    Contrairement à ce que laisse penser l’étude Web Energy Archive, la problématique de l’écoconception logicielle et web n’est pas de réduire la consommation d’énergie mais plutôt l’utilisation des ressources informatiques (RAM, CPU, bande passante) afin de prolonger la durée de vie des équipements.

    La réduction de la consommation d’énergie n’est qu’une des conséquences positives de la démarche.

    Il ne faut pas oublier que les impacts environnementaux des TICs / du numérique sont essentiellement liés à la fabrication des équipements , pas à leur utilisation qui est peu significative.

    Par ailleurs, les principaux impacts ne sont pas le changement climatique, mais :
     épuisement des ressources non renouvelables ;
     et pollutions.

    Au final, on fait plus d’économies d’énergie en allongeant la durée de vie d’un équipement grâce à l’écoconception logicielle plutôt que de chercher à réduire la consommation électrique sur la phase d’utilisation.

    Il ne faut pas se tromper de combat...

  • Olivier Nourry Le 10 juillet 2014 à 12:54

    @greenIT
    On est d’accord. Cela dit il n’y a pas de bon ou de mauvais combat en la matière. Juste des actions qui vont toutes dans le même sens. D’ailleurs l’article parle également de la course en avant matérielle liée à l’explosion du volume de données.
    L’émission de GES est aussi un problème, et il n’est pas si anodin que ça, d’autant que la production d’électricité pour les quelques décennies à venir reposera de plus en plus sur les énergies fossiles.
    A notre niveau, celui de créateurs et consommateurs de contenus, c’est le point sur lequel nous avons le plus de prise, de manière immédiate, et assez simple au final. On peut voir la réduction du besoin de renouvellement du matériel comme une conséquence heureuse de ces actions...

  • Green IT Le 9 octobre 2014 à 09:23

    @Olivier : pour l’instant et encore pour quelques décennies, la production d’électricité, en France, émet essentiellement de la vapeur d’eau dont la durée de vie et le PRG sont courts comparés au dioxyde de carbone. Par ailleurs, la construction du bâtiment et des équipements à l’intérieur (IT, etc.) et à l’extérieur (groupes froids, etc.) émet une très grande quantité de GES à durée de vie longue et PRG important. Il suffit de réaliser une évaluation GES intégrant le scope 3 ou une ACV avec une unité fonctionnelle décente pour s’en convaincre.

    Il y a un réel danger à axer le discours uniquement sur les émissions liées à la consommation d’énergie. D’une part c’es faux en France. D’autre part, cela détourne les particuliers comme les entreprises des actions les plus urgentes et au plus fort effet de levier. Je le vois tous les jours sur le terrain. D’où mon commentaire. Sans oublier que, si on s’intéresse à la consommation d’énergie, c’est du côté des internautes que cela se passe, le data center représentant une toute petite partie de la consommation électrique.

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